Alors que la pandémie de Covid-19 continue de progresser dans le monde, les industries européennes commencent à souffrir du ralentissement chinois. En France, le nombre de PME et de TPE frappées par la crise seront déjà plus nombreuses que de personnes contaminées. Après la crise sanitaire, une crise économique s’annonce, révélant les limites d’un modèle de production trop sino-dépendant.
Double peine. À la crise sanitaire du Covid-19, s’ajoute une crise économique dont les premiers effets se font sentir. Alors que le nombre de personnes contaminées vient presque d’atteindre les 2000, ce sont déjà plusieurs milliers de PME-TPE qui ont déposé un dossier de chômage partiel au regard des pertes d’exploitation constatées, et ce, en dépit des mesures de soutien déjà mises en place par le gouvernement. L’affolement des cours de Bourse mondiaux en témoigne : les virus, tout comme les crashs financiers n’ont pas de frontières et déjà l’on peut prédire une récession européenne, si ce n’est mondiale. A mesure que les mises en quarantaine et les règles de précaution se multiplient, la consommation ralentit, voire décroît. Les commerçants comme les restaurateurs, notamment, en appellent aux pouvoirs publics pendant que les hôpitaux redoutent l’afflux de patients : c’est tout notre univers social, économique et politique qui se trouve ébranlé. Les consommateurs, encouragés par les médias, sont entrés dans une phase anxiogène voire irrationnelle.
La chute de la production en Chine est l’un des premiers signes tangibles de ce déclin. Les images satellite météo témoignent d’une disparition de la pollution chronique. Les usines rouvrent au compte-goutte et n’ont pas recouvré leurs pleines capacités, faute de personnel, de transports et d’accessibilité des grandes villes alors que le pays a instauré des mesures de confinement. Or, il suffit d’un grain de sable dans la machinerie chinoise pour que le monde déraille. Premier fournisseur de produits finis et de pièces détachées pour une majorité d’entreprises, ce ralentissement de la production enraye l’industrie française, à tous les niveaux et entraîne la désorganisation totale de la supply chain. Il révèle les limites d’un modèle tout Chinois destiné à optimiser les coûts. Les débuts de pénurie sur des produits sensibles tels que certains produits chimiques, médicaments ou les colorants remettent en question notre dépendance à la Chine, usine du monde depuis des décennies.
Ainsi, les industries de l’événementiel, du tourisme et du luxe sont mises à mal. L’interdiction d’organiser des rassemblements de plus de 1000 personnes a entraîné l’annulation en cascade de tous les salons professionnels, concerts, spectacles programmés en février, mars et avril. Dans ce secteur, c’est toute la chaîne de valeur qui s’effondre, des hôtesses aux organisateurs en passant par les équipes techniques, la restauration et les traiteurs qui animent ces manifestations. Les voyages et autres sorties scolaires ont également été gelés, pénalisant l’industrie du transport, et les déplacements des touristes se sont réduits à peau de chagrin. Le marché du luxe, enfin, pour lequel les marchés asiatiques sont les premiers consommateurs, a vu ses ventes s’effondrer depuis janvier. Les magasins chinois sont désertés, les employés confinés, tout comme les grands magasins à Paris. Dans ce marasme annoncé, toutefois, les grandes entreprises auront toujours les ressources pour s’en sortir – en Chine comme aux Galeries Lafayette, le luxe trouvera toujours preneur - tandis que les PME et TPE, plus fragiles, se verront lourdement impactées.
De la casse, il y en aura certainement. Il y en a déjà. Mais derrière la crise, l’on peut saisir une opportunité et une lumière : celle du changement. Cette pandémie est, en effet, l’occasion de produire et consommer autrement. La décroissance forcée, accentuée par la peur collective, nous amène à réfléchir en profondeur sur nos modes de consommation. Sans la Chine, il faudra sans doute se résoudre à acheter moins mais mieux et plus cher, en privilégiant des sourcing européens, et pas uniquement français. C’est alors que la notion de « juste prix » prendra son sens. Parce qu’elle rimera avec confiance, traçabilité, sécurité, solidarité et maîtrise de la chaîne de production.
Le Covid-19 nous rappelle aussi la nécessité d’un investissement financier massif dans les sciences du vivant et les nouvelles technologies pour affronter ces nouveaux défis. Une opportunité à saisir pour le tissu industriel français, que l’état doit impérativement soutenir, pour permettre aux entreprises françaises de disposer d’outils de production efficaces et modernes pour réindustrialiser les territoires. Notre industrie de PME doit s’organiser en clusters, devenir forte et attractive pour les jeunes et éviter ses dépendances des marchés extérieurs lointains. Enfin, face à l’économie, la nature semble rappeler ses droits. La biodiversité que l’on s’emploie à détruire depuis des dizaines d’années. Elle nous rappelle à l’ordre en nous signalant nos faiblesses et la fragilité de l’être humain dans une chaîne du vivant où le meilleur côtoie le pire. Ce virus, sans doute emmené par un vulgaire Pangolin qui n’avait rien à faire dans la chaîne alimentaire des hommes, apparaît alors comme le « cygne noir » dont on devra retenir la leçon : il est peut-être le premier signal d’une guerre économique et virale entre l’empire du Milieu et le reste du monde.